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Le concept de médicalisation dans les sciences sociales. 3/ La médicalisation des problèmes sociaux

Par Philippe Habib
Précédemment : 1/ La santé et l’exercice d’un biopouvoir | 2/ Ordre moral et ordre médical

Mais c’est aussi ici que trouve la limite d’un modèle implicitement évolutionniste, en particulier lorsqu’il sert une critique sociale portant sur la médicalisation croissante des problèmes sociaux. Critique que tend à renforcer un nombre considérable d’études de cas qui, mises bout à bout, donnent une vision fragmentaire et unidirectionnelle de ce phénomène et l’illusion d’une marche forcée vers une emprise croissante de la santé tant sur le plan normatif que sur les modalités de gestion des problèmes sociaux.

L’analyse sociologique a d’ailleurs souvent inspiré une critique portée depuis les années 1970 à l’encontre de la médecine (et de la psychiatrie). Le risque est alors de focaliser le travail d’analyse sur la seule propension de ces professionnels à imposer leur catégorisation du monde social. Or comme l’a montré d’emblée Joseph Gusfield dans son étude consacrée au mouvement de tempérance nord-américain[1] la médicalisation d’un problème public ne procède pas seulement de l’activité des seuls médecins partant de leur légitimité à énoncer ces problèmes en termes médicaux. D’autres individus, d’autres groupes sociaux, d’autres experts participent à cette entreprise de problématisation des problèmes sociaux en termes médicaux. C’est également ce que démontre Patrice Pinel dans son histoire sociale du cancer[2].

La médicalisation d’un problème public peut, en outre, s’expliquer par le désengagement d’autres acteurs sectoriels dans la prise en charge d’un problème public, comme cela a été étudié pour la police de Los Angeles pour le cas de l’usage médical de la marijuana[3]. Il existe en outre des dynamiques de démédicalisation que la thématique de la médicalisation tend à occulter. Ce fut notamment le cas de la question du crime et en particulier celle de la récidive qui trouvèrent, avec les thèses du criminologue italien Cesare Lumbroso dans le dernier quart du dix-neuvième siècle, des explications biomédicales. Les thèses sur l’hérédité des comportements criminels, sur les criminels congénitaux, reprises par les pénalistes français pour justifier de l’application de la peine capitale, ont depuis longtemps disparu en France, même si elles subsistent ailleurs, comme aux USA[4]. Il en va de même pour l’homosexualité qui a été retirée de la liste des maladies mentales en France en 1981 et par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en 1990.

C’est pourquoi, lorsque l’on évoque cette question de la médicalisation, il convient d’être prudent avec toute tentation évolutionniste ou a-historique qui reviendrait à négliger les liens anciens qu’entretiennent la médecine et l’État ; ou pour le dire autrement : l’ancienneté des prétentions médicales à prendre en charge toute une série de phénomènes sociaux. D’autant que certains signes (surtout dans une conjoncture de restriction des finances publiques et, donc, des dépenses de santé) indiquent aussi peut-être que nous risquons d’entrer dans une phase de démédicalisation. C’est ce qu’observe, par exemple, Loïc Wacquant lorsqu’il rappelle qu’avec la remise en cause du Welfare State, dans les États de New York ou encore au Texas, par exemple, le premier lieu où sont aujourd’hui internés les personnes souffrant de problèmes psychiatriques, ce sont les prisons[5]. C’est encore ce que décèle Didier Fassin à propos d’un double phénomène de « dépsychiatrisation » et de « dépsychologisation » dans la gestion des publics en difficulté qui va à rebours avec la critique de psychologisation croissante dans la gestion des problèmes sociaux. La dépsychiatrisation témoigne des gênes, incommodités, et désertion des professionnels de la santé mentale (à commencer par les psychiatres) face aux personnes socialement démunies. Quant à la dépsychologisation, elle apparaît au travers d’une étude des lieux d’écoutes où de plus en plus de psychologues sont employés pour y exécuter les tâches ordinaires de travailleurs sociaux[6].


[1] Gusfield (Joseph), Symbolic Crusade: Status Politics and the American Temperance Movement. Urbana: University of Illinois Press, 1963.
[2] Pinel (Patrice), Naissance d’un fléau : Histoire de la lutte contre le cancer en France (1890-1940), Paris, Métailié, 1992.
[3] Heddleston (Thomas Reed)
[4] Mucchielli (Laurent), « Criminologie, hygiénisme et eugénisme en France (1870-1914) : débats médicaux sur l’élimination des criminels réputés « incorrigibles » », Revue d’histoire des sciences humaines, 2000, 3, p. 57-89
[5] Wacquant (Loïc), « La « réforme » de l’aide sociale comme instrument de discipline », revue Agone, 31-32 | 2004
[6] Fassin (Didier), Des maux indicibles. Sociologie des lieux d’écoute, Paris, La Découverte, 2004.

@Lire également :
1/ La santé et l’exercice d’un biopouvoir
2/ Ordre moral et ordre médical

Le concept de médicalisation dans les sciences sociales. 2/ Ordre moral et ordre médical

Par Philippe Habib
Première partie : 1/ La santé et l’exercice d’un biopouvoir
Troisième partie : 3/ La médicalisation des problèmes sociaux

Toujours si l’on suit Michel Foucault, un tournant décisif se produit au lendemain de la seconde guerre mondiale qui amplifiera cette dynamique de médicalisation. En particulier lorsque la santé devient une thématique centrale du débat public accompagnant l’édification des systèmes de protection sociale. La santé publique ne se présente plus comme un simple instrument nécessaire à l’administration des populations, elle se présente désormais comme un droit. L’intervention médicale va alors s’étendre bien au-delà d’un domaine circonscrit au traitement des maladies, sur des questions de plus en plus diverses. Le réseau de médicalisation va se faire de plus en plus dense ne laissant échapper que peu de choses. Aussi, explique-t-il, « si les juristes des XVIIe et XVIIIe siècles inventèrent un système social qui devait être dirigé par un système de lois codifiés, on peut affirmer que les médecins du XXe siècle sont en train d’inventer une société de la norme et non de la loi. »[1]

Les techniques de conformation à la norme, et notamment la norme médicale, vont dès lors devenir de plus en plus subtiles, et de plus en plus efficaces. Elles seront réappropriées par un mécanisme de socialisation médicale de plus en plus diffus[2] qui permet aux individus et aux groupes sociaux de revendiquer une certaine compétence médicale visible dans toute une série de pratiques ordinaires (notamment sur le plan de l’alimentation) ; et ainsi de se distinguer de celles et de ceux qui négligent, ignorent, et transgressent des normes impératives. C’est également ce que dit l’anthropologue Raymond Massé, pour qui on est aujourd’hui passé du droit à la santé à un devoir de santé[3]. Cela signifie qu’il s’agit de maximiser son potentiel santé duquel résulte un discours moralisateur sur les pratiques de comportements considérées « à risque » : la toxicomanie, le tabagisme, l’alcoolisme, manger trop du sucre, s’exposer au soleil sans crème entre 12 et 16 heures, etc.

En somme, dans nos sociétés contemporaines, le contrôle social qui s’exerce par la médecine passe en quelque sorte désormais par une forme de honte intériorisée, une honte de ne pas être sain, énergique et productif, mais aussi et surtout la honte de ne pas tout faire ce qui est en son pouvoir pour maintenir sa santé. C’est aussi ce qu’explique le sociologue Luc Berlivet en se référant à Norbert Élias[4]. Les techniques employées par les professionnels employés aujourd’hui dans le cadre des politiques de prévention à la santé (menées en France par l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, INPES) ont conduit à un déplacement de l’origine des contraintes qui visent à la conformation à des prescriptions normatives sur la santé. Ces disciplines se déploient non plus au travers de procédures punitives sanctionnant les interdits, mais par l’intériorisation dans l’appareil psychique individuel de ces normes. On passe ainsi d’une contrainte externe à une forme inédite d’autocontrainte en correspondance à des enjeux de santé publique.

Ce déplacement de la contrainte a pour conséquence de favoriser une amplification de la demande de santé qui affecte inégalement, mais néanmoins globalement, toutes les catégories de la population. Claudine Herzlich invoquait dès la fin des années 1960, l’émergence parmi les classes moyennes et supérieures d’une norme nouvelle structurant pratiquement, de manière de plus en plus significative, l’existence des individus : celle d’un « devoir de santé » se reformulant en  « devoir de guérison » en cas de maladie.[5] D’autres travaux ont depuis montré que cette demande sociale de santé ne se manifeste plus seulement dans les catégories sociales économiquement ou culturellement les mieux dotées, mais peuvent se manifester, souvent en termes de frustrations, parmi les franges sociales précarisées, en particulier lorsqu’elles invoquent leurs non-recours aux soins de santé.[6]

Cette demande sociale de santé traduit également le fait que la médecine est devenue dominante en ce qu’elle se trouve en situation d’imposer à d’autres professionnels ses catégories de pensée, ou encore d’étendre son champ de compétence à des domaines autrefois dévolus à la religion et au droit. Ce thème on le retrouve dans les travaux d’historiens comme Raymond Massé, Georges Vigarello, mais aussi parmi les œuvres des sociologues américains qui retracent ce processus de médicalisation croissante de problèmes sociaux. Un processus qui trouve chez Eliot L. Freidson une dimension tout autant instrumentale, mais cette fois dégagée du rapport fonctionnel dans lequel l’inscrit la tradition foucaldienne.

En s’inscrivant dans la lignée de la sociologie pratiquée à l’université de Chicago, l’ouvrage d’Eliot Freidson, la profession médicale[7], sorti en 1970 aux États-Unis interroge plus directement la genèse, l’évolution, et les effets de la position qu’occupent les médecins dans la hiérarchie sociale américaine. Ce qui intéresse cet auteur, c’est précisément leur capacité à imposer un cadre normatif au reste de la société. Au travers de l’analyse d’un processus conduisant au monopole de l’exercice des soins médicaux et plus globalement aux discours sur la santé, l’apport décisif du travail de cet auteur sera de mettre à jour la réalité sociale des maladies indépendante de leur dimension purement biologique. Réalité dévoilée en présentant la médecine au travers de son activité normative, celle d’une entreprise de morale qui, dans la dynamique même de son développement, institue ou redéfinie des catégories sociales dont elle impose les modalités de gestion. La thématique de la médicalisation va alors rencontrer l’intérêt de sociologues du travail ou de l’expertise qui vont analyser l’évolution des normes techniques et des classements destinés à la gestion des catégories de populations en mettant en lumière la montée en puissance des professionnels de santé et la marginalisation au détriments d’autres catégories d’intervenants sociaux.[8]


[1] Foucault (Michel), Dits et écrits, tome IV : 1980-1988, Paris, Gallimard, 1994.
[2] Voir sur ce point les travaux de Georges Vigarello qui décrit dans le détail les éléments d’un « marché de cette santé consommée [qui] propose ‘toujours plus’, étendant son territoire, comme l’a fait avant lui le marché des biens domestiques ». Vigarello (Georges),  Histoire des pratiques de santé : le sain et le malsain depuis le Moyen-Âge, Paris, Seuil, 1999.
[3] Massé (Raymond), « La santé publique comme projet politique et projet individuel », dans B. Hours (dir.), Systèmes et politiques de santé. De la santé publique à l’anthropologie, Paris, Karthala, 2001, p. 41-64.
[4] Berlivet (Luc), « La santé publique face aux accusations de moralisme », dans A. Garrigou (dir.), La santé dans tous ses états, Paris, Atlantica, 2000, p. 243-270.
<[5]  Herzlich (Claudine), Santé et maladie. Analyse d’une représentation sociale, Éditions de l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Paris, 1969.
[6] Pierret (Janine), Herzlich (Claudine), « De l’autosoignant au devoir de santé », in Malades d’hier, malades d’aujourd’hui, Payot, 1984, Ch. XII : pp. 259 à 288 ; Parizot (Isabelle), Soigner les exclus. Identités et rapports sociaux dans els centres de soins gratuits, Paris, PUF, coll. « Le lien social », 2003 ; Rode (Antoine), Le « non-recours » aux soins des populations précaires. Constructions et réceptions des normes. Thèse de doctorat en science politique (sous la dir. de P. Warin), 2010. Institut d’études politiques de Grenoble. http://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00488403/fr
[7] Freidson (Eliot L.), La profession médicale, op. cit.
[8] Bergeron (Henri), Soigner la toxicomanie. Les dispositifs de soins, entre idéologie et action, Paris, Coll. Dossiers sciences humaines et sociales, L’Harmattan, 1996. Levilain (Hervé), La dévolution de la charge des vieux. Contribution a une sociologie de l’expertise et des classements techniques, scientifiques et sociaux, Thèse de doctorat de Sociologie Soutenue en 1998 à Paris 8.

@Lire également :
1/ La santé et l’exercice d’un biopouvoir
3/ La médicalisation des problèmes sociaux

Le concept de médicalisation dans les sciences sociales. 1/ La santé et l’exercice d’un biopouvoir

Par Philippe Habib

De la pensée critique des années 1960-1970, il persiste une thématique de recherche qui a conservé jusqu’à nos jours une forte actualité et scientifique et politique. C’est celle se rapportant à la médicalisation de la société. Historiquement, ce phénomène correspond à un long « processus d’ordre à la fois scientifique, technique et socio-culturel [qui] se traduit par l’accès d’une partie croissante de la population à la médecine officielle pour tout ce qui touche à la santé ».[1] Elle est ainsi intimement liée à une dynamique de constitution du champ de la médecine, son autonomisation et son monopole sur les soins et plus largement sur les discours et les normes de santé.[2] De fait, cette médicalisation ne se borne pas aux seules questions des pratiques de soins ou de l’accès à la médecine officielle, mais correspond à une extension de l’espace social de la médecine qui se traduit alors par le fait de « conférer une nature médicale à des représentations et des pratiques qui n’étaient jusqu’alors pas socialement appréhendées en ces termes. Elle est avant tout la redéfinition d’un problème existant dans un langage médical »[3]. Dans la littérature sociologique cette thématique de la médicalisation s’inscrit d’une part dans le prolongement des travaux réalisés par Michel Foucault, et d’autre part comme l’un des acquis des travaux développés à l’université de Chicago dans le cadre théorique de l’interactionnisme symbolique ; en particulier ceux d’Eliot L. Freidson.

La santé et l’exercice d’un biopouvoir

Michel Foucault va mettre en évidence les liens entre politique, techniques et médecine avec un concept introduit pour la première fois lors d’une conférence donnée à Rio, le biopouvoir[4]. À partir de ce concept, Michel Foucault décrit une « révolution dans la technologie du pouvoir » qu’il fait remonter à la fin XVIIe siècle ; une révolution car il ne s’agit moins de répondre à un enjeu d’administration d’un territoire qu’à celui du gouvernement de la vie des populations qui y résident. Cette révolution procède d’une jonction inédite entre pouvoir et savoir. Elle atteste de la modernisation de l’action de l’État qui correspond alors au passage d’un art de gouvernement inspiré par Machiavel à une science de gouvernement qu’inspirent désormais la statistique, l’économie politique (les rapports entre la population, le territoire et la richesse), la démographie et l’arithmétique politique (qui servira à compter, mais aussi à calculer les espérances de vie, science qui est à l’origine de l’épidémiologie moderne), ainsi que l’ensemble des savoirs servant au développement autonome de la médecine[5].
Aussi, la médicalisation de la société trouve avec Michel Foucault son origine dans un rapport fonctionnel avec le gouvernement moderne des populations. Le biopouvoir procède de l’instauration d’un pouvoir disciplinaire qui vise dès lors au contrôle des pratiques sociales, et plus fondamentalement au contrôle biologique des corps – qui prennent alors une réalité bio-politique – dont on s’assure de la conformation à des normes ajustées à des impératifs politiques.
C’est d’abord en Prusse où fut inventé une science de l’État (Staatswissenschaft)[6] que se met en place entre 1750 et 1770 une organisation de la médecine de manière pyramidale destinée à établir une médecine sociale qu’on appellera la police médicale. Mais c’est surtout dans l’Angleterre du XIXe siècle, lorsque la médecine sociale se donnera pour objectif d’améliorer la capacité productive d’une population servant les révolutions industrielles et le développement du capitalisme, ou encore en France, avec le mouvement hygiéniste dont l’âge d’or se situe à partir des années 1880 que la médicalisation va prendre son caractère instrumental. À cette époque, les révoltes paysannes avaient déjà commencé à disparaître. Les centres urbains y devenaient les théâtres de nouveaux conflits avec la formation d’une plèbe en voie de prolétarisation. La médecine sociale se développe alors comme l’instrument d’une domestication politique nécessaire.


[1] Goubert, J.-P. « La médicalisation de la société française, 1770-1830 », Réflexions historiques, n°8.
[2] Freidson (Eliot L.), La profession médicale, Payot, Paris, 1984.
[3] Fassin (Didier), « Avant propos. Les politiques de la médicalisation », L’ère de la médicalisation. Ecce homosanitas, P. Aïach, D. Delanoë (dir.), Paris, Anthropos, 1998, p. 5.
[4]Foucault (Michel), Naissance de la biopolitique. Cours au collège de France. 1978-1979, Gallimard/Seuil
[5]Tout au long du XVIIIème se mettront en place les techniques et les sciences qui contribueront à la connaissance exhaustive des populations, des maladies sur un mode étiologique (la recherche des causes). L’imposant traité (9 volumes) de « police médicale » publié par un médecin, Professeur d’université et proche de la Cour de Viennes (il fut le médecin personnel du Tsar Alexandre 1er), Johan Frank en 1779, et dont la réédition à chaque fois complétée perdura jusqu’en 1827 (6 ans après sa mort), est un formidable témoignage de la compilation des différentes sciences et techniques dont disposeront désormais les gouvernements pour traiter de sujets aussi variés que la question de l’hygiène rapportée aux denrées alimentaires, à l’approvisionnement en eau, à la maternité, à la santé des enfants, mais aussi, à partir de statistiques morales, les questions d’hygiène se rapportant à la sexualité, à la prostitution, aux consommations d’alcool ; les questions de santé, et plus spécifiquement d’hygiène, étant à cette époque intrinsèquement liées aux enjeux de morale.
[6]Cette « science de l’État » désigne d’un côté, un savoir dont l’objet est l’État ; pas seulement les ressources naturelles d’une société ou les conditions de vie de sa population, mais aussi le fonctionnement général de la machine politique. D’un autre côté, l’expression désigne aussi les méthodes à l’aide desquelles l’État produit et accumule les connaissances lui permettant de garantir son fonctionnement.

La VAE : principe de réalité, principe de plaisir (2/2)

Par Agnès Busko

L’accompagnement VAE est un processus de formation unique en son genre. Il s’agit d’un dispositif de formation pour adultes mais, d’un point de vue pédagogique, le formateur ne transmet pas de savoir précis. L’accompagnement VAE peut se faire en petit collectif ou en individuel et le positionnement du formateur (surtout dans l’accompagnement individuel) est difficile. Il doit éclairer les candidats sur la façon de rédiger le livret, sur le contenu du référentiel et sur le diplôme concerné en général. A ce propos il faut rappeler que le formateur n’est pas nécessairement un ancien professionnel du diplôme visé par les candidats VAE. En fait il n’y a pas vraiment de profil de formateur pour ce type de formation, qui reste très spécifique. Un autre frein peut se révéler dans ce travail, c’est celui du référentiel (déjà évoqué plus haut). Cet outil de travail peut enfermer le candidat dans des items qui se répètent et qui du coup perdent de leur sens.
En outre, le candidat a souvent du mal à écrire à la première personne, c’est perçu la plupart du temps comme étant prétentieux. C’est pourtant nécessaire et obligatoire pour se mettre en valeur par rapport à son environnement professionnel.

Le plaisir de la démarche

Avec la VAE, le candidat « découvre » un autre univers (souvent celui qu’il désire), celui des savoirs, quelque chose qui le transcende, qui est plus que lui-même. C’est l’étape de la théorisation de l’action, la phase où le candidat élabore son discours pour expliciter de manière lucide et intelligible ce qu’il fait dans une « situation de travail ». C’est à ce stade du livret que le candidat se découvre ou se redécouvre, à travers sa production écrite et sa réflexion sur son activité de salarié ou de bénévole.
La VAE est vue comme une reconnaissance du travail accompli. Le moment le plus important se joue lorsque le candidat s’approprie la logique du livret.
Ce sont des moments, essentiels et déterminants, d’échanges sur le sens même des expressions et des mots (et non des maux), puisqu’il s’agit d’une auto-analyse. Le candidat n’hésite plus ici à employer le « Je » pour expliquer ses actions professionnelles. C’est une réflexion permanente et indispensable pour interpréter et apprécier les situations et mobiliser plus ou moins consciemment les savoirs et savoir-faire acquis dans l’expérience professionnelle.
La VAE permet, et c’est ce qui la rend attrayante, d’obtenir tout ou partie d’un diplôme sur la base d’une expérience. Il existe également des procédures ou des financements pour compléter ce qui n’a pas pu être validé. Certains candidats validés partiellement souhaitent intégrer une formation, cela est certainement dû aux principes même de la VAE : reconnaître l’expérience, c’est se re-connaître.
D’un point de vue empirique l’expérience est une notion complexe. Elle renvoie à l’idée d’enrichissement de la connaissance, du savoir, par la confrontation de l’action.
Mais elle pose toujours le problème de visibilité, de validité et d’incorporation. Il y a bien là une représentation subjective de l’expérience.
Le fait de considérer l’individu comme responsable de son projet laisse entendre qu’il y a une intentionnalité de la personne à vouloir faire une démarche VAE. Cela fait penser à un mouvement (dé-marche), le candidat est en VAE parce qu’il a voulu, parce qu’il a agi pour cela…La plupart d’entre eux revendiqueront le diplôme, un meilleur salaire, une ascension professionnelle et donc sociale. Cela montre à quel point les candidats se trouvent dans des stratégies individuelles de changement.
Or lorsqu’ils se confrontent au travail de réflexion, lorsqu’ils entrent dans le processus d’élaboration du livret II la véritable motivation apparaît. Ils ont un désir de formation qui va au-delà de l’acquisition de connaissances. Je pense que ce désir de formation chez les adultes est présent dans toutes les formations. Il me semble que c’est d’autant plus vrai avec la VAE.
En effet, ils ne vont a priori rien apprendre mais ils en ressortent grandis, quel que soit le résultat. Il s’agit, à mon sens, davantage d’un projet de « de-venir » que d’un simple projet de formation. La recherche plus ou moins consciente d’une image valorisée de soi-même par la reconnaissance des autres.

@Lire également :
La VAE : principe de réalité, principe de plaisir (1/2)

La VAE : principe de réalité, principe de plaisir (1/2)

Par Agnès Busko

La VAE est un sujet sensible, à débat. 
Pour certains c’est un moyen permettant d’obtenir un diplôme sans aller à l’école.
Pour d’autres c’est obtenir une qualification sur les simples dires d’une personne.
Cela explique en partie la difficulté à traiter ce sujet avec le recul nécessaire et à choisir des points précis à développer. 
Bien sûr je pourrais parler de la démarche du candidat ou encore du travail du forma-
teur. Je pourrais faire un bilan sur les enjeux de la VAE dans notre société et parler du même coup de l’Europe avec « la Formation tout au long de la vie ». 
J’ai choisi une version alliant mon ressenti de formatrice à celui des candidats que 
j’ai pu suivre. Mais il faut, pour ce faire, que je revienne sur la réalité de la loi 
et des procédures.

Réalité de la réforme

« Toute personne engagée dans la vie active est en droit de faire valider les acquis de son expérience, notamment professionnelle, en vue de l’acquisition d’un diplôme, d’un titre à finalité professionnelle ou d’un certificat de qualification… ». Ce droit est inscrit dans le code du travail et dans le code de l’éducation. La VAE est un acte officiel par lequel les compétences acquises par l’expérience sont reconnues comme ayant la même valeur que celles acquises par la formation. Les salariés ont en théorie la possibilité de faire valoir leur expérience professionnelle au profit d’une qualification reconnue. En réalité c’est plus compliqué que cela, en effet cette validation d’acquis de l’expérience dépend de la mise à jour du RNCP (Répertoire national des certifications professionnelles) et, pour certains diplômes de l’enseignement supérieur, des circulaires d’application. La vision d’une
qualification de la part d’un salarié n’est pas forcément compatible avec les possibilités d’une VAE.
La réforme du système de formation professionnelle a été engagée avec la création de la validation des acquis de l’expérience (VAE) dans la loi de modernisation sociale de 2002.
Face aux défis lancés par les mutations du contexte social, technique et économique, en lien notamment avec la mondialisation et l’évolution démographique, un consensus s’est établi sur la nécessité de renforcer la capacité des individus à développer leur qualification tout au long de leur vie. Il existe cependant d’importantes inégalités dans l’accès à la formation selon la situation sociale de la personne ou la taille de son entreprise. Pour y remédier, la réforme vise à consacrer le rôle fondamental de l’individu dans la construction de ses compétences (on ne se forme pas sans projet) et l’émergence de la notion de professionnalisation comme élément structurant et fédérateur des dispositifs de formation (l’important est le
résultat, c’est-à-dire les compétences développées, et non la formation en elle-même). Enfin, compte tenu des enjeux quantitatifs, de l’effort et des sommes importantes d’ores et déjà mobilisées pour la formation, l’objectif est d’optimiser les budgets de formation (former mieux, davantage plutôt que former plus).

Réalité du livret II

L’écriture du livret passe essentiellement par le développement d’une capacité de positionnement du candidat. C’est-à-dire être capable d’expliciter et d’affirmer ses choix ou encore de se situer par rapport à un référentiel professionnel. Le référentiel est un outil pouvant permettre au candidat de situer ses connaissances et compétences. Il s’agit de mettre en mots son expérience en s’appuyant sur des indicateurs. Le candidat ne peut en effet faire l’économie ni de l’explication qui le pousse dans cette démarche, ni surtout de la construction d’une mise en perspective, d’un projet pour l’après VAE. La démarche VAE a nécessairement un futur ; elle ne peut être la simple validation d’un passé.
C’est ainsi que va se créer une relation entre le formateur accompagnant et le candidat. Il va y avoir pendant toute la durée de l’accompagnement un lien étroit entre eux et un travail d’analyse de la vie professionnelle du candidat. Ce travail d’analyse est loin d’être évident et facile, le candidat va devoir s’exprimer sur ses motivations, ses envies, ses choix, cela mêle des sentiments contradictoires qui peuvent le déstabiliser, même si son projet est clair et solide. Le formateur doit être en capacité de recentrer le travail du candidat sur le livret, afin d’éviter des risques de dérives sur la vie privée. La VAE peut être un point déclencheur ou révélateur pour le candidat, et entraîner dans ce cas une perturbation dans la construction du livret, le temps que la personne puisse faire le point sur les différents axes d’analyse de sa vie.

@Lire la suite :
La VAE : principe de réalité, principe de plaisir (2/2)

Transmission culturelle et parentalité : un binôme incontournable ? (2/2)

Par Marie Bonici

La parentalité comme ouverture culturelle

En tant qu’outil pour sensibiliser les enfants à des questions importantes, telles que l’écologie, une alimentation équilibrée, la sexualité et la protection contre les maladies sexuellement transmissibles, ou encore la connaissance d’autres cultures et la tolérance, la pratique de la parentalité apparaît alors comme un enjeu majeur de notre époque.

Les familles sont-elles égales face à l’offre de soutien à la parentalité ?

Ainsi, on peut se demander :
– si tous les parents ont connaissance de l’offre culturelle familiale disponible dans leur ville d’habitation, et si non, comment améliorer la diffusion de l’information ?
– si les parents, quelle que soit leur origine sociale et culturelle, se sentent concernés par ces dispositifs culturels4. Et si ce n’est pas le cas, de quelles manières les parents de différentes origines sociales se saisissent-ils de l’offre culturelle familiale et comment la Ville peut-elle les aider s’en saisir dans le cadre de la lutte contre les exclusions ?
– de quelle(s) manière(s) les hommes, alors qu’ils s’investissent de plus en plus dans la parentalité5, accompagnent leur(s) enfants(s) dans ces dispositifs ? Et encore, s’il existe des différences avec l’investissement des femmes ?
– si les thèmes abordés dans les offres de la Ville sont adaptés à la demande des parents et lesquels ils souhaiteraient aborder, pour proposer une véritable participation citoyenne.

Pour répondre à l’ensemble de ces questions, une étude peut être menée, en alliant qualitatif et quantitatif, une alliance indispensable pour finalement mesurer l’efficience des dispositifs proposés par la Ville.

Pierre BOURDIEU, 1979, La distinction : critique sociale du jugement, Paris, Minuit.
Marie-Agnès BARRÈRE-MAURISSON, 2004, « Masculin/féminin : vers un nouveau partage des rôles? », in Cahiers français, n° 322, septembre-octobre, pp. 22-28.

@Lire le début : Transmission culturelle et parentalité : un binôme incontournable ? (1/2)

Transmission culturelle et parentalité : un binôme incontournable ? (1/2)

Par Marie Bonici

La parentalité : un enjeu social

La parentalité et le soutien à la parentalité sont des préoccupations de plus en plus investies par les pouvoirs publics. Aujourd’hui les villes offrent un vaste choix d’aide à la parentalité, au travers de groupes de parole destinés aux parents, ou d’activités parents-enfants, pour venir en aide aux parents « dépassés »1 .
Faites pour soutenir les parents, ces activités peuvent-elles être envisagées sur un autre plan ?

Parentalité et socialisation primaire

L’exercice de la parentalité, en tant que mise en œuvre de pratiques et de rôles parentaux, se situe à plusieurs niveaux. Il recouvre non seulement le fait de prendre soin de l’enfant, de le protéger et de l’éduquer, mais il correspond aussi à la transmission de valeurs et d’une culture2.
La parentalité constitue ainsi l’outil principal de la socialisation primaire des enfants. Elle est aussi le moment privilégié du développement de la communication entre parents et enfants et ainsi des liens intergénérationnels.
Cette double dimension de socialisation et de communication est indispensable à envisager.

Socialisation primaire et intervenants extérieurs à la famille

La socialisation primaire n’est cependant jamais réalisée par les seuls parents : des tiers y participent, comme les générations antérieures3 et les collatéraux (oncles, tantes…) ainsi que l’ensemble des intervenants de la « Petite Enfance », sans oublier les médias de différentes sortes, tels que les livres pour la jeunesse, les émissions et les documentaires télévisés. Sans compter : les réseaux sociaux sur Internet…
S’ajoute encore l’environnement social et culturel des familles – constitué par l’Etat, et plus récemment la Ville et sa Politique. Les parents mobilisent ainsi les diverses activités culturelles qui leur sont proposées sur leur lieu d’habitation, pour communiquer avec leur enfant sur des sujets sensibles ou difficiles d’abord, comme le divorce, la mort ou encore la sexualité. Il en est de même en ce qui concerne la transmission de la culture, de la tolérance ou encore des valeurs démocratiques.

1 Voir à ce sujet le site de la ville de Paris et les différents services et activités proposés « Autour des familles ».
2François de SINGLY (dir.), 1991, La famille : l’état des savoirs, Paris, La Découverte.
3Martine SEGALEN, 1981, Sociologie de la famille, Paris, Armand Colin.

@Lire la suite : Transmission culturelle et parentalité : un binôme incontournable ? (2/2)

Les sciences sociales en action – juillet 2015

Par Agnès Busko & Jean-Marc Le Hunsec

Sous ce titre nous vous proposerons régulièrement une revue de l’actualité des études et recherches – en cours ou parues récemment – ainsi que des rapports produits par les acteurs des secteurs social et médicosocial. Partielle et donc partiale cette revue est le reflet de l’engagement de SeP pour une sociologie opérationnelle.

Commencer par l’essentiel

En matière d’information et, plus encore, de recherche et de traitement de l’information, la diversité et l’indépendance sont des impératifs. Aussi nous souhaitons inaugurer cette chronique en saluant un travail exemplaire en la matière.
L’observatoire des inégalités, en partenariat avec le mensuel Alternatives économiques, publie un « Rapport sur l’état des inégalités » qui apporte « des réponses factuelles, accessibles au plus grand nombre » en dressant « un état des lieux dans de nombreux domaines : revenus, emploi, éducation, santé, logement, entre les femmes et les hommes, les jeunes et les personnes âgées, les Français et les étrangers, les catégories sociales, etc. ».
Indépendant, l’observatoire a fait appel à un financement participatif (via la plateforme ulule) pour la réalisation de ce rapport et le met en vente sur son site, au prix de 7,50 euros.

Rapport sur les inégalités en France, sommaire détaillé

Rapport

L’urgence d’un logement véritablement social

Le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées(HCLPD) a publié le 8 juillet son dix-huitième rapport dans lequel, face à la pénurie de logements sociaux et très sociaux, il formule un ensemble de propositions propres à mobiliser 120000 logements à des fins sociales sur 3 ans.
Près de 3 millions de logements sont vacants en métropole alors que le 115, numéro d’urgence pour les personnes sans hébergement, ne parvient à prendre en compte que 25% des demandes qu’il reçoit et que « 1,8 millions de ménages attendent une proposition dans le parc social ». Le HCLPD préconise de rendre « plus attractif pour les propriétaires les dispositifs permettant de générer des loyers en dessous des prix du marché » et de taxer « de manière plus efficace les logements vacants ou loués à des prix anormalement élevés » afin de renforcer les « outils de lutte contre la vacance » (recensement, déclaration de vacance anormalement longue, réquisition).

La mobilisation du parc privé pour créer une offre sociale, HCLPD, 18ème rapport, juin 2015

Etudes & recherches

Une pauvreté centrale

L’Insee a publié en juin, dans Insee Première, une étude sur la pauvreté monétaire en France qui bouscule, une nouvelle fois, la représentation commune de métropoles aisées très distinctes de banlieues pauvres. L’étude souligne en effet qu’en « France métropolitaine, en 2012, le taux de pauvreté (…) est le plus important dans les villes-centres des grandes aires urbaines, où la pauvreté touche particulièrement les familles monoparentales, les familles nombreuses et les ménages jeunes ». A l’appui de ce constat, la part des prestations sociales dans le revenu apparaît beaucoup plus forte pour les personnes les plus pauvres vivant dans les villes-centres (46% du revenu des 10% les plus modestes) comparativement à celles vivant dans les couronnes des métropoles (29% du revenu).

Anne-Thérèse Aerts, Sandra Chirazi, Lucile Cros, Une pauvreté très présente dans les villes-centres des grands pôles urbains, Insee Première N°1552, juin 2015

Une sociologie des turbulences

Manuel Boucher est membre associé au CADIS et directeur scientifique du Laboratoire d’Etudes et de Recherche Sociales (LERS) de l’Institut du Développement Social (IDS) de Haute Normandie. Docteur en sociologie de l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, il est titulaire d’une Habilitation à Diriger des Recherches (HDR), soutenue à la Sorbonne Paris IV.

Il est par ailleurs président de l’ACOFIS, Association des chercheurs des organismes de la formation et de l’intervention sociales.

Ses travaux portent notamment sur l’intervention sociale, les quartiers populaires, la déviance, l’ethnicité, les discriminations ethniques, la violence et la régulation sociale.

Son dernier ouvrage, Sociologie des turbulences, est une analyse des inégalités créant des violences et autres désordres. Son étude cible essentiellement l’empowerment (pouvoir d’agir en français). Il s’agit d’un outil de démocratie participative, une notion de plus en plus mobilisée et en particulier depuis les émeutes de 2005. Ce serait un moyen d’impliquer davantage les citoyens dans la cité pour désamorcer les violences. Or, aujourd’hui, l’intervention sociale est sous tension : elle oscille entre le recrutement de professionnels et la mobilisation d’acteurs novices, tels les « grands frères ». Ces « pacificateurs indigènes » incarnent une pratique contemporaine, celle de déléguer l’intervention sociale à des acteurs de proximité ethnicisés, moins onéreux que des professionnels, mais aussi moins formés. Par manque d’autonomie et de formation, ils peuvent insuffler la résignation plus qu’inciter à s’investir dans la vie publique.

Manuel Boucher, Sociologie des turbulences. Penser les désordres des inégalités, préface d’Alain Touraine, L’Harmattan, 2015.

L’orientation tout au long de la vie

Le ministère de la ville de la jeunesse et des sports vient de rendre public le rapport final du programme d’expérimentation « Information Jeunesse – Service public régional de l’orientation ».
« Alors que huit régions (Aquitaine, Auvergne, Bretagne, Centre, Limousin, Pays de la Loire, Poitou-Charentes, Rhône-Alpes) ont été choisies comme préfiguratrices du SPRO fin 2013 (avant sa généralisation au 1er janvier 2015), l’expérimentation IJ-SPRO a pour ambition d’étudier la contribution du réseau Information Jeunesse au SPRO sur les questions de partenariat et de
qualité du service rendu aux usagers ». Outre le rapport en lui-même, l’étude comporte huit monographies, autant que de régions pilotes, et l’ensemble dresse une évaluation au travers d’une problématique qui interroge à la fois « l’enchevêtrement des dispositifs liés à l’information, l’évolution des stratégies d’information des jeunes et la professionnalisation des métiers de l’orientation ». L’étude a été confiée à l’agence Phare qui a fait appel, en qualité de consultant associé, à Philippe Habib, par ailleurs codirecteur de SeP.

Rapport final et présentation détaillée sont accessibles sur le site du Fonds d’expérimentation pour la jeunesse.

Analyse des pratiques. 1/ Les préalables

L’analyse des pratiques professionnelles est une ressource précieuse de mise en perspective et de compréhension collective des activités de travail dans une équipe ou pour des professionnels exerçant un même métier.
SeP propose dans cette série d’articles de détailler les préalables indispensables à sa mise en place, la manière dont elle est organisée et les formes qu’elle peut prendre et, enfin, ce qu’il est possible d’en attendre.

Un diagnostic préalable

La mise en oeuvre d’une analyse des pratiques professionnelles dans un organisme donné est conditionnée par SeP à la réalisation d’un diagnostic qui permettra, à la fois :

  • de déterminer la commande de la direction,
  • de définir la demande de l’équipe,
  • de fixer les objectifs de l’intervention avec les participants.

Une Charte de fonctionnement (définissant le contenu et les objectifs des ateliers) est établie avec les participants ; elle engage également la direction qui doit assumer le financement et libérer les salariés de leurs charges pour les réunions.

Un engagement solidaire des participants et de l’animateur

Un ensemble d’attendus peuvent utilement ressortir d’une analyse des pratiques professionnelles, à la condition sine qua non que quelques préalables soient strictement respectés.

En premier lieu, la participation à une analyse des pratiques est une démarche personnelle et volontaire qui s’inscrit dans la durée ; l’assiduité et la ponctualité de tous les participants est nécessaire.

Ensuite, cet engagement individuel s’accompagne d’un accord collectif autour du respect du point de vue de chacun et de sa parole.L’expression est libre, l’animateur assure qu’elle ne prend pas la forme d’un jugement de valeur ou d’un procès d’intention ; il régule systématiquement les écarts et facilite la circulation de la parole.

Enfin, l’animateur est garant de ce cadre et, à cette fin, il assure tous et chacun de la stricte confidentialité des échanges.

Pour autant, une analyse des pratiques peut donner lieu à une restitution à l’attention de la direction ou de l’encadrement de la structure quand elle concerne un organisme spécifique. Cette restitution concernera exclusivement les éléments de réflexion qui servent à l’amélioration du fonctionnement de la structure. Il appartient alors à l’animateur de définir la teneur de la restitution avec l’accord des participants.