Le don et le contre-don. 3/ Le don crée le temps

Par Marie Bonici

Plusieurs aspects de ce système social d’échange-don (suite)

Une restitution différée pour créer le temps

Marcel Mauss observe ainsi qu’il y a un intervalle de temps qui s’écoule entre le don et le contre-don. Cela peut aller d’un mois à un an et même durer sur plusieurs générations. C’est même une règle à ce système : rendre trop rapidement peut être vu comme une maladresse et humilier.

Au contraire, différer le contre-don montre qu’on n’est pas indifférent, ni étranger, que l’ont sait qu’à un certain moment, il y aura échange à nouveau. Que l’on accepte d’être dans cette relation du don. Marcel Mauss comprend alors que ce délai crée une certaine temporalité : il crée le temps et l’avenir. Et en permettant d’envisager l’avenir, ce délai permet de construire une relation de confiance entre les groupes et les clans.

Fonction des échanges-dons

Ce système permet donc de créer des liens et des alliances entre les groupes et les individus : il s’agit de créer, refaire ou répéter des liens sociaux entre les groupes, et les représentants des groupes le plus souvent. Marcel Mauss écrit ainsi : « la vie est un constant donner et rendre » et « le don crée le lien social », ce qui amène à créer la cohésion sociale, l’unité.

Quand le système est poussé à son extrême : le « potlatch »

Marcel Mauss a aussi noté des « formes anormales de rivalités » qui montrent un dérèglement ponctuel du système de don. On parle alors de « potlatch » et lorsqu’il est pacifié, il s’agit de la « kula ». Ainsi, dans un contexte de luttes pour le prestige, Marcel Mauss explique qu’il y a des « dons qui accablent », écrasent les gens à qui on donne, car la personne est incapable de rendre l’équivalent. Ici, le don a pour but de faire exister une relation inégale (celui qui donne est supérieur à celui qui reçoit) et amène alors à créer des rivalités.

Pour résumer

Plusieurs dimensions sont contenues dans ce système social, intriquées les unes avec les autres : la lutte pour le prestige, la « force » qui est attachée aux choses échangées, un système social qui pré-existe et existe en parallèle du système économique, des règles et des obligations, la question de la « dette », de l’obligation du contre-don et la création du temps…

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